mardi 12 janvier 2010

Gainsbourg (vie onirique)


Si les amateurs de biopics musicaux, à la façon de "La Môme" ou de "Ray", seront sans doute troublés par la vision cinématographique de Joann Sfar, réalisateur et scénariste de  "Gainsbourg (vie héroïque)", les fans de l'auteur du "Chat du Rabbin" retrouveront avec délice l'univers onirique du dessinateur, qui imprime sa marque dès l'ouverture d'un générique en animation, empreint de poésie. C'est bien à un conte que l'on va assister, dont le héros est un enfant juif charmeur, doué pour le dessin (remarquable Kacey Mottet-Klein, avec sa bouille digne des "400 Coups" de Truffaut), pris dans la tourmente de l'Occupation. La première partie du film, axée sur l'enfance de celui qui n'est encore "que" Lucien Ginzburg, est sans aucun doute celle que Sfar maîtrise à la perfection. Il peut alors laisser libre cours à son imagination de créateur de BD,  alternant scènes fantastiques (une incroyable et carnavalesque tête de caricature juive s'échappant d'une affiche d'exposition antisémite, qui poursuit l'enfant dans les rues de Paris !), tragi-comiques (lorsque le petit Lucien va crânement exiger son étoile jaune au Bureau des Affaires juives) et fantasmées (l'improbable rencontre dans un bistrot entre le gamin et la chanteuse Fréhel, jouée par la géniale Yolande Moreau).

Vient ensuite l'entrée en scène de Gainsbourg adulte, incarné par un époustouflant Eric Elmosnino. L'acteur , venu du théâtre, tient là sans aucun doute un "rôle à César", tant son interprétation reste juste, loin d'un mimétisme caricatural ou d'une performance à l' "Actor's studio".  Centré sur l'oeuvre musicale et les rapports de Gainsbourg avec les femmes, le film parcourt alors les pages connues de sa vie , perdant peu à peu la dimension magique et expressionniste donnée à son enfance, pour développer un  (trop) long défilé des femmes-muses qui jalonnent son existence (mentions spéciales à Sara Forestier, hilarante en France Gall neuneu, et à Laetitia Casta, plus Bardot que nature). Les séquences musicales sont évidemment omniprésentes et très réussies, Sfar ayant eu par ailleurs la bonne idée de faire interpréter les chansons du film par ses acteurs. Ces derniers s'en tirent plus qu'honorablement, portés par les excellentes orchestrations d' Olivier Daviaud, compositeur des musiques originales du long-métrage.

Joann Sfar a pris le risque, pour un premier film, de s'attaquer à un "monument" de la chanson et de la pop française, dans un genre cinématographique rare en France. Ce bio-épique (la "vie héroïque" de Gainsbourg) reste un film étonnant, d'une grande originalité malgré ses quelques faiblesses. Quant au "message" qu'il pourrait véhiculer, laissons le mot de la fin au réalisateur, qui citait au Figaro cette déclaration de Gainsbourg : "Je suis juif et russe, mais juif d'abord. Seule mon éducation est française.", Sfar ajoutant : "Or chez Gainsbourg, tout est éducation. Il n'y a personne de plus français que lui !". Une définition très (im)pertinente du concept d'identité nationale.
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La bande-annonce du film :

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