mardi 30 mars 2010

Lignes de front : une "histoire impossible à taire".

Premier long-métrage de fiction de Jean-Christophe Klotz, « Lignes de front » est l’aboutissement d’un travail unique sur le génocide rwandais, en corollaire d'une réflexion sur le rôle du journaliste et des limites du pouvoir de l'image dans les médias. L’auteur du film, qui fut grand reporter à l’agence Capa, a été l'un des seuls journalistes reporters d’images français présents sur le terrain lors des exterminations.

A Kigali en avril 1994, alors que le génocide est en cours, il filme, dans le cadre d’un sujet qu’il réalise pour l’émission Envoyé spécial, les centaines de réfugiés tutsis abrités dans la paroisse du père Blanchard. Des miliciens hutus  investissent l'église pendant le reportage, blessant grièvement d’une balle  Jean-Christophe Klotz. Tous les réfugiés seront massacrés peu après. Ses images, diffusées dans le monde entier, n'entraîneront aucune réaction de la communauté internationale.

De ce drame, il tirera l’essence du documentaire réalisé en 2006 et sélectionné au Festival de Cannes, « Kigali, des images contre un massacre », dans lequel Bernard Kouchner disait  notamment "J’ai su au Rwanda pourquoi les Juifs ont été tués durant la guerre et pourquoi les alliés n’ont pas bombardé les chemins de fer (qui les acheminaient vers les camps de la mort )". Du reportage au documentaire, la fiction « Lignes de front » complète ce travail historique, avec un film quasi-autobiographique dont le personnage principal, Antoine, (incarné par un Jalil Lespert habité), s'inspire du vécu du réalisateur. 

Volontairement lent dans sa première partie, d’une esthétique sobre et privilégiant souvent  des cadres de reportage au profit d'effets cinématographiques plus spectaculaires, le film s’emballe ensuite pour livrer toute la monstruosité du génocide rwandais. Un rare moment d’apaisement, lorsque Jalil Lespert s’assied devant un piano pour égrener les notes du standard de jazz « A Child is born ». Parenthèse désenchantée, éphémère instant d’oubli face à l’innommable, qui se déroule à proximité du QG des forces de l'ONU où réside le journaliste.

Il est des films dont on ne sort pas indemne et qui accompagnent longtemps le spectateur. « Lignes de Front » est de ceux-là. L’une de ses grandes forces est de ne montrer du déchaînement de violences que les regards terrifiés et parfois résignés des victimes, ou encore des visions nocturnes dantesques de l’enfer de Kigali. Il pose aussi les questions essentielles du rôle - et manifestement de l’impuissance - du journaliste face à des situations inhumaines, et de son incapacité à modifier le cours des événements. Visiblement, en 1994, on pouvait encore se permettre de dire, malgré les images et témoignages accablants de journalistes, « On ne savait pas ! »… Le regard de son réalisateur, témoin occulte de la barbarie, permettra aussi, on l’espère, de faire taire tout « débat » révisionniste sur le génocide rwandais (cf. le texte de Jean-Christophe Klotz paru dans Libération en réaction aux thèses de Pierre Péan). Et d’offrir aux victimes, avec ce film important, la place qu’elles méritent dans la mémoire des spectateurs.

Une interview du réalisateur et des extraits de la bande-annonce de "Lignes de front" (sortie 31 mars) :


Cinéma: "Lignes de Front" par Jean Christophe Klotz
envoyé par lmtvsarthe-wizdeo. - Les dernières bandes annonces en ligne.

Pour visionner sur le site de l'INA des extraits du reportage de J.C. Klotz "La vie en sursis", réalisé pour Envoyé spécial"en avril 1994.

1 commentaire:

  1. J'avais vu le docu, impressionnant. Pas évident pour le grand public, ce genre de film, mais j'espère qu'il marchera, le sujet le mérite !

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