Jack et Sadie Rosenblum quittent Berlin en 1937 avec leur fille Elizabeth, juste avant le désastre annoncé, pour rejoindre Londres. J.R., qui n'a rien du héros de la saga "Dallas", est un petit homme empli d'espoir, de volonté et d'énergie, soucieux de parfaire son intégration au point de rédiger un guide des us et coutumes britanniques. Il ne lui manque, après quelques années de bons et loyaux services envers sa patrie d'accueil, qu'une carte à son jeu pour parfaire sa mue en citoyen anglais complètement intégré. Cette carte, c'est celle de membre d'un club de golf, sésame pour entrer définitivement dans la caste des british gentlemen.
S'inspirant bien malgré lui du célèbre mot de Groucho Marx, "Jamais je ne voudrais faire partie d'un club qui accepterait de m'avoir comme membre", Jack Rosenblum se heurte aux refus polis mais fermes (et foncièrement antisémites) de tous les clubs de Londres et ses alentours. Pour se résoudre, finalement, à construire de ses mains son propre parcours au coeur de la verte campagne du Dorsetshire. L'entreprise, digne de celle d'un Don Quichotte ashkénaze, va rapidement tourner au conte épique !
"Jack Rosenblum rêve en anglais", de Natasha Salomons (Calmann-Levy), est l'un des plus beaux succès littéraires de l'année 2010 en Grande-Bretagne. Un succès amplement mérité pour ce roman joyeux et tendre, au style éblouissant, première oeuvre d'une jeune écrivain qui s'est inspirée de la vie de ses grands-parents pour narrer cette confrontation burlesque et sensible entre deux mondes qui se découvrent avec stupeur. "Mr Rosenblum List", titre de la version anglaise du livre, c'est un peu "Bienvenue chez les Ch'tis" mâtiné de "Mr Smith au Sénat". La lutte d'un coeur pur et un peu fou façon James Stewart, au milieu d'un essaim de personnages tous aussi excentriques et hilarants que touchants et pleins d'humanité, avec son lot inévitable de vils individus.
Ce livre foisonnant est aussi une formidable histoire d'amour entre un Jack "Rose-in-Bloom" obsédé par son rêve d'intégration dans ce nouveau monde si conservateur, et son épouse Sadie, perdue dans la tristesse des souvenirs de sa famille disparue dans les camps, et irrémédiablement reliée à son passé. En refermant ce roman si attachant et haletant jusqu'au dernier... trou, on se dit qu'il ferait assurément un superbe film. John Ford aurait adoré l'optimisme et la truculence de ses personnages, Lubitsch le sens de la comédie de son auteur, et Lelouch une si merveilleuse histoire de couple. A mettre directement dans votre caddie !
Alain Granat
Quelle merveilleuse chronique ! Quel talent de passeur !
RépondreSupprimerOn ne peut qu'avoir envie de lire ce livre - c'est ce que je vais faire, mais en anglais tout de même ! Un seul (petit) reproche, celui de ne pas avoir mentionné le nom du traducteur / de la traductrice. Ce sont eux qui donnent sa vie, et "son style éblouissant" en français à un texte étranger. Nou ?
Merci Cathie :-) Et effectivement, mea culpa pour avoir omis le nom de l'excellente traductrice Nathalie Peronny !
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